... Lunem, Martes, Matem, Cynsyr, Pyatnytsya, Saniwar, Lībàitiān... À mon grand soulagement, sept jours plus tard, je découvre l’inconnue assise comme l’autre fois à côté de l’orfèvre. Alors, je l’épie, tel un fantôme tapi dans la coursive obscure de l’étage supérieur. Au bout d’une heure, la jeune fille se lève et emporte un nouveau paquet.
Cette fois, je ne traîne pas, je décide de la suivre. Assis sous le grand porche, Idris la regarde disparaître dans les rues.
Je file comme un oiseau. Je la rattrape très vite mais je reste en arrière. J’essaie d’être invisible. Progressivement, mon ombre devient le prolongement de la sienne. Je profite de la foule pour la suivre de près. Sur sa nuque, je distingue un tatouage lointain. Cette gamine est une naaj ? Non, encore autre chose. Je déchiffre les traits tracés à l’encre rouge : le signe ancien du feu… Sa silhouette me distance comme si elle avait senti mon regard sur son dos ; elle traverse le chaos du carrefour du Banian et plonge dans les ruelles obscures des forgerons. J’y suis passé souvent quand je gagnais ma vie en portant des ballots. La rue est inondée par les lueurs des fours ; des forgerons qui passent la saluent et s’inclinent. Dans leurs yeux je décèle une forme d’admiration et un respect profond dont j’aimerais pouvoir comprendre la nature.
Elle leur rend leurs regards comme s’ils étaient liés par un secret ancien, comme les caravaniers qui se croisent sur les routes. Elle accélère le pas, emprunte des rues cachées que je ne connaissais pas. Le raccourci secret m’emmène jusqu’à des rues autrefois familières qui bordent le grand fleuve.
La jeune fille s'engage dans le chaos bruyant du Pont des maraîchers qui conduit vers Jodhpur et vers l'une des entrées innombrables du Souk.
