... Une rumeur gigantesque ne cessait de grandir tandis qu’un soleil rouge amorçait sa descente au-dessus du grand fleuve qui s’était progressivement rempli d’une multitude de jonques, de centaines de felouques, de radeaux surchargés de fruits et de produits venus de tous les coins du monde. La longue pirogue conduite habilement par Oleg se faufilait comme un serpent au cœur de cet incroyable marché flottant. Elle accosta sur un vaste rivage encore plus surpeuplé que le fleuve. De toute sa vie, Noé n'avait jamais contemplé tant de monde. À vrai dire, il ne s’était jamais imaginé qu’un seul endroit pouvait en supporter autant. Des marchands de tous les horizons chargeaient, déchargeaient des chariots, des navires qui repartaient presque aussitôt. Un océan de tentes colorées se déployait sous le ciel, débordant sur la rive. Noé foula le sable dans un immense frisson mêlé d'excitation. Oleg débarqua son sel, s'apprêta à partir.
— Ne t’enfonce pas trop loin. C’est un vrai labyrinthe.
Le gamin étourdi scruta les perspectives des allées submergées par le va-et-vient des produits et des corps… Il reprit sa respiration comme un pêcheur d’oursins, se mêla à la foule.