... Cela doit faire six heures que je fais le porteur. Sur mon dos, les ballots tanguent dangereusement et menacent de tomber à chacun de mes pas. Du Carrefour du Banian au quartier des tailleurs, je livre les chiffons. De Chandni Chowk à la rue des ciseleurs, j’apporte le charbon-blanc qui embrasera les fours et leurs métaux brûlants que j'aperçois parfois à travers les fenêtres. À vrai dire, je transporte tout ce qui se transporte : le fumier pour le feu, les ordures, de la paille, des épices ou du riz quand on me fait confiance.
Les couleurs et les cris, les marchands et les colporteurs, leurs chants fous qui résonnent à chaque carrefour, je ne les vois même pas et je ne les entends pas. Je m'oublie et j'avance dans ce courant vivant.